Homélie pour la fête du Saint Sacrement
Abbé Jean Compazieu | 7 juin 2020Le Pain de vie
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La fête du Saint Sacrement que nous célébrons en ce dimanche a été instaurée au treizième siècle. À l’époque, on communiait très peu. Certains pensaient que la présence de Jésus s’arrêtait à la fin de la messe. L’Église a réagi très fermement contre cette dérive. C’est ainsi qu’ont été organisées des processions au Saint Sacrement et des temps d’adoration dans les églises.
La présence du Christ dans l’Eucharistie fait partie de notre foi. Il est heureux que des chrétiens s’arrêtent à l’église pour un temps de prière. Nous avons pu le constater pendant la période du confinement. Les cierges allumés dans la journée étaient un signe de leur passage. Mais la liturgie de ce dimanche nous invite à faire un pas de plus. Les Évangiles nous disent que Jésus a voulu nous laisser sa présence sous la forme d’un repas. Il nous invite à nous nourrir de cette présence qui vient mettre en nous le germe de la Vie Éternelle.
Bien avant la venue de Jésus, le peuple d’Israël a été préparé à ce don de Dieu. Au cours de sa traversée du désert, il a vécu des moments difficiles. Il a souffert de la pauvreté, de la faim, de la soif. Mais Dieu ne l’a pas abandonné ; il lui a donné la manne. Sans cette intervention, le peuple serait mort. Nous aussi, nous dépendons de Dieu. Nous qui vivons dans un monde souvent hostile à la foi chrétienne, nous devons réentendre cet appel du Seigneur : “Souviens-toi…”
Dans sa lettre aux Corinthiens, saint Paul nous parle du repas du Seigneur. Mais c’est pour réagir contre certaines dérives. Son message vient les ramener à l’essentiel : il leur rappelle que l’Eucharistie est le sacrement de l’unité : “Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain.” Nous nous laissons transformer par l’amour de Celui qui a livré son corps et versé son sang pour nous et pour la multitude. Nous apprenons à regarder les autres non plus avec le regard du monde mais avec celui du Christ, un regard plein d’amour et de miséricorde.
L’Évangile nous présente un extrait du discours de Jésus à la synagogue de Capharnaüm. Il nous adresse des paroles très fortes : “Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde” (Jean 6, 51). Comprenons bien, Jésus n’est pas venu pour nous donner quelque chose mais pour se donner lui-même en nourriture à ceux qui ont faim de lui. Son amour est allé jusqu’au don de sa vie. Notre communion avec le Seigneur nous engage à l’imiter. Elle nous engage à faire de nos comportements et de toute notre vie un pain rompu pour les autres. C’est à une vie remplie d’amour que nous serons reconnus comme disciples du Christ.
À chaque messe, nous nous nourrissons du Corps du Christ. La présence de Jésus agit en nous. Avec lui, nous apprenons à avoir une vie de plus en plus conforme à l’Évangile ; nous apprenons à aimer non pas selon la mesure humaine mais selon la mesure de Dieu ; son amour est sans mesure ; il nous rend capables d’aimer aussi ceux qui ne nous aiment pas. Avec lui, nous apprenons à nous opposer au mal par le bien, à pardonner, partager, accueillir. C’est là que nous trouverons la vraie joie.
Il nous faut retrouver aujourd’hui la force du message de l’Évangile. Quand nous sommes rassemblés pour célébrer l’Eucharistie, c’est vraiment LE moment important de la journée ; c’est Jésus qui nous rejoint et qui se donne ; il nous nourrit de sa Parole et de son Corps. Le Curé d’Ars disait que nous n’en sommes pas dignes, mais nous en avons besoin. C’est en accueillant ce don que nous recevons la force et le courage pour continuer notre route ; comme Pierre, nous pouvons dire : “À qui irions-nous, Seigneur ? Tu as les paroles de la Vie éternelle”. Soyons dans la joie chaque fois que débute une Eucharistie. Et surtout, ne nous y habituons pas.
Rendons grâce pour ce don extraordinaire de sa bonté et apprenons à recevoir toujours plus dignement celui qui se donne à nous par son corps et son sang.
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Enseignement du pape François sur la messe
Sources : Revue Feu Nouveau – Lectures bibliques des dimanches (A Vanhoye) – Paroles pour la route A (Jean Yves Carneau- L’intelligence des Ecritures (Marie-Noëlle Tabut) – François Selon Saint Jean
La fête du Corps et du Sang du Christ paraît en apparence inadéquate, car à chaque célébration eucharistique nous nous rassemblons pour participer à cette union sacrée avec le Christ. En communion avec l’assemblée des chrétiens, nous nous tournons vers Dieu pour une action de grâce, nous célébrons le mystère de la Rédemption. Toutefois, la solennité du Saint-Sacrement nous donne l’occasion de nous poser spécialement quelques questions essentielles : ‘Pourquoi vais-je à la messe ? Comment je la vis ? Ai-je une présence réelle dans la cérémonie, pour prier et me ressourcer ?’ Une réponse sans détour à ces questions nous fera prendre conscience de notre état d’esprit durant la cérémonie. Car parfois l’habitude nous fait oublier le caractère sacré de la célébration eucharistique.
L’Eucharistie est certainement la plus belle institution mise en place par Jésus pour rester auprès de nous. Jésus se donne à nous en vraie nourriture. « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie. » Dans le désert, durant tout le temps de la longue marche vers la Terre Promise, Dieu a nourri le peuple d’Israël. De la même façon, l’Eucharistie revigore notre foi, structure notre vie chrétienne et la ponctue. Elle est la respiration, la vivacité de notre vie spirituelle et nous propulse tous ensemble dans la vie active. « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux. » (Mt 18:20)
Le Concile Vatican II nous rappelle l’importance de l’Eucharistie dans notre vie de baptisés : « L’Eucharistie est la source et le sommet de toute la vie chrétienne. » Mais avouons que certaine cérémonie ne nous élève point ! Sans parler de la liturgie proprement dite, des formules toutes faites et souvent répétées ne nous brûlent plus. Des rites exécutés avec routine, dénués de tout sentiment religieux n’élèvent plus l’âme. Un ronron dominical où la vitalité religieuse est absente… Et d’ici là, dans l’assemblée, certains se comportent comme dans un spectacle, bavardant, plaisantant comme si c’est dans un lieu public. Allant et venant avec désinvolture pendant la cérémonie… sans même faire attention à la présence des Hosties consacrées dans ce lieu sacré. Des comportements peu respectueux devant le Saint-Sacrement. Ceux-là restent à la porte du Mystère de la présence du Christ dans l’Eucharistie. Saint Paul les met en garde : « Ainsi donc, quiconque mange le pain ou boit la coupe du Seigneur indignement aura à répondre du corps et du sang du Seigneur. » (1 Co 11:27)
Lors de l’audience générale du 8 novembre 2017, le pape François souligne avec force : « S’il vous plaît ! La messe n’est pas un spectacle : c’est la rencontre avec la Passion et la Résurrection du Seigneur. » Il a tenu à exprimer sa tristesse devant les attitudes inadéquats de certains lors des célébrations. « Je vous avoue que cela me rend triste quand je célèbre sur cette place ou dans la basilique et que je vois tous ces téléphones en l’air, et pas seulement ceux des fidèles, mais aussi ceux de certains prêtres ou même d’évêques. » Dans une pareille ambiance, nous comprenons bien que beaucoup de baptisés ne reviennent plus à l’église !… La messe n’est ni un concert ni une représentation qu’on vient assister qui, selon les cas, nous plaît ou nous déplaît. Souvenons-nous de la colère de Jésus contre les marchands du Temple (Mt 21:12-13), Il rappelle aux habitants de Jérusalem que le Temple est ‘la maison de Dieu’ : « Il est écrit que la maison de mon Père est appelée une maison de prière. Et vous, vous l’avez transformée en un repaire de brigands ! »
La fête du Saint-Sacrement revête donc une importante particulière car elle souligne le sens de nos rencontres dominicales. Par conséquent, la célébration eucharistique ne doit pas rester au niveau des rites religieux ou une simple dévotion. À l’invitation du célébrant, ensemble, ‘élevons notre cœur’ pour entrer en communion avec le Christ présent dans le pain et le vin consacrés.
Nguyễn Thế Cường Jacques